Originellement appelé la Mothe de Margaux, le domaine de Château Margaux existe depuis le 7ème siècle, mais les terres ne comptaient alors aucun pied de vigne. Pierre de Lastonnac réussira entre 1572 et 1582 à restructurer toute la propriété, et ce qui n’était alors qu’un début de vignoble. Il anticipe alors l’évolution générale de sa région viticole et réorganise le Château Margaux qui depuis est resté quasiment semblable. À la fin du 17ème siècle, le Château Margaux couvre 265 hectares avec un tiers consacré à la vigne, soit environ 90 hectares.
Pour évoluer ainsi, le Château Margaux a connu des siècles, des générations et nombres de familles qui ont eu habileté et idées innovantes. Au début du 18ème siècle, le régisseur Berlon réalise des progrès et des prouesses. Il sera le premier à vinifier séparément les raisins rouges et blancs. Aussi, il exigera que les vendanges ne commencent qu’après l’aube et après la tombée de la rosée qui diluait le vin. Enfin, il s’intéressera beaucoup aux sols, marquera certaines parcelles comme meilleures que d’autres. Le terroir commence à avoir une importance.
En 1705, le London Gazette annonce une enchère de grands crus bordelais, où l’on retrouvera 230 barriques de "Margose", vin du Château Margaux qui fera fureur. Plus tard dans le siècle, l’ambassadeur américain Thomas Jefferson, qui se trouve être un grand amateur de vin, dépeint la hiérarchie des vins bordelais et place le "Château Margau" en première place, indiquant qu’il ne peut y avoir de meilleur vin à Bordeaux.
La Révolution arrive rapidement, le propriétaire de l’époque, Elie du Barry, sera conduit à l’échafaud par la terreur jacobine. Le Château Margaux sera alors vendu aux enchères comme Bien National. Laure de Fumel, descendante de la famille Lastonnac, parvient à racheter le domaine qui est cher à l’histoire de sa famille. En changeant de patronyme, elle veille sur le domaine durant trois siècles. À ce moment, toutes les plantations ont gelé, et les années de la Révolution auront raison de sa détermination. Elle revendra le domaine aux enchères en 1801.
Bertrand Douat, marquis de la Colonilla, rachète alors le domaine à Laure de Fumel. Il ne s’intéresse pas tant au Château Margaux qu'à Bordeaux, car il réside à Paris. Cependant, il entreprend des travaux sur le château et les bâtiments d’exploitation, que l’on admire aujourd’hui encore. Il meurt avant la fin des travaux en 1816. Le Château Margaux change une fois de plus de mains en 1830, c’est Alexandre Aguado qui l’acquiert. Enfin, arrive l'année 1855, année de la consécration de tous les crus médocains. Le Château Margaux est alors le seul noté 20/20 et sera classé au rang de Premier Grand Cru Classé.
Après plusieurs propriétaires, nous arrivons à l'année 1950, où la famille Ginestet acquiert enfin l’intégralité du Château Margaux. Sur trois générations, Fernand, Pierre et Bernard s'occupent du Château Margaux, le réorganisent tout en faisant de leur maison de négoce l'un des établissements de commerce les plus réputés de Bordeaux. Après avoir essuyé les catastrophes des millésimes de 1972, 1973 et 1974, qui furent invendables, ils se résignent à vendre le Château Margaux à André Mentzelopoulos. Ce dernier étonne et bouleverse le monde du vin en tant que Grec acquérant l'un des plus grands châteaux bordelais, une rareté.
André devient propriétaire en 1977 et rend sa valeur d’antan au Château Margaux, qui reprend sa place de Premier. Dès le millésime 1978, le vin est salué comme exceptionnel. Il meurt en 1980, trop tôt pour voir la renaissance du Château Margaux, bien qu'il en soit à l’origine. Sa fille, Corinne, prend alors le relais. Elle suit les traces de son père et honore sa mémoire et ses convictions, notamment en s’alliant à de gros actionnaires. Elle récupère la totalité des parts en 2003, devenant ainsi la seule actionnaire et la seule propriétaire du Château Margaux.
Le Château Margaux 1990 est le troisième d'une série de grands millésimes comprenant 1988 et 1989, bien qu'il les éclipse complètement. Les vins issus des trois cépages étaient excellents dès le départ et ont surpris tout le monde par leurs différences avec ceux de l'année précédente. On a prédit alors que ce millésime serait agréable à boire jeune, mais aussi après 50 ans.
Le Château Margaux 1990 offre un nez somptueux avec des arômes de fruits rouges, de cuir, de camphre et enfin de réglisse. Le vin est déjà envoûtant à ce stade. En bouche, il est sensuel, d'une douceur charmante et doté d'une grande profondeur. Ce Château Margaux reste néanmoins charnu et corpulent, avec des saveurs de fruits rouges, de kirsch, de sauge et de figue. En arrière-plan, on retrouve des notes de tabac et de girofle.
Le Château Margaux 1990, sans aucun doute un très grand vin, est harmonieux et très séduisant. Un plaisir à boire depuis des années. Bien qu'il soit déjà parfait à déguster maintenant, il pourra être conservé en cave jusqu'en (au moins) 2040. Un vin légendaire qui continuera à nous étonner !
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